Un regard sur l'éducation en Chine

01 janvier 2012  | 1 commentaire

Catégories: Chine

Un regard sur l'éducation – Shanghai, novembre 2011 


Ces lignes ont été réalisées par mes soins lors d'un séjour en Chine, à Shanghai puis à Pékin, en novembre 2011. Elles sont le fruit d'observations et de rencontres mais aussi d'impressions et constituent donc un regard forcément très personnel. Bien qu'ayant tenté d'être objective, elles ne sont ni exhaustive, ni « académiques » mais se veulent plutôt être un « rapport d'étonnement ».

Pour aller plus loin, avoir des informations plus exhaustives et plus formelles, plusieurs sites sont intéressants à consulter :

La politique de l'enfant unique

La règle toujours en vigueur en Chine est celle de « l'enfant unique », même si elle est actuellement assouplie dans certaines provinces et pour les familles dont les deux parents sont eux-mêmes enfant unique : ils ont alors le droit d'avoir un deuxième enfant ; à noter qu'elle est pas appliquée aux couples mixtes et, bien évidemment, aux étrangers expatriés.

Le deuxième enfant n'est pas complètement interdit dans les faits mais il n'est pas culturel ; à noter que l'éducation d'un enfant coûte très cher en Chine et que la naissance d'un deuxième enfant entraine une taxe importante à la naissance et des frais de scolarité, santé... majorés (et non dégressifs comme en France).

Cette politique donne une importance très particulière aux enfants :

  • la période de grossesse : les futures mamans portent très rapidement (dès la suspicion de grossesse) une protection en plomb sur le ventre, sous leurs habits, pour protéger le futur enfant de tous les « rayonnements » des appareils électriques, ordinateurs... ; le congé de maternité est sensiblement le même qu'en France mais les futures mères ne viennent pas travailler au moindre souci

  • les parents souhaitent la meilleure éducation possible pour leur enfant et sont donc prêts à payer très cher pour les scolariser ; la Chine compte principalement des écoles privées dirigées par des « familles d'enseignants » dont le statut social est important... ce qui peut paraître étonnant dans un pays communiste où l'on s'attend à une prise en charge de l'éducation par l'état

Les crèches n'existent pas en Chine et la scolarisation commence vers 3 ans (à Shanghai) ; elle est officiellement obligatoire sur une durée de 9 ans (environ de 6 ans à 16 ans) mais cette règle n'est pas appliquée par tous de la même manière, en fonction du milieu social et du lieu d'habitation (énormes disparités entre ruraux et urbains). A la campagne, la situation est encore extrêmement compliquée dans beaucoup de provinces avec un taux important de non-scolarisation.

La petite enfance

Les enfants des cadres citadins sont principalement pris en charge par leur mère jusqu'à 3 ans, ou par une ayi (nounou à domicile – aucune qualification exigée ou dispensée). D'après les parents français rencontrés et les dires des interprètes chinoises (ayant vécu en France et en mesure d'établir des comparaisons), les ayi chérissent et gâtent les enfants à l'excès, comme de véritables enfants rois.

C'est pourquoi, chez les cadres (et encore d'avantage chez les expatriés), la demande est grandissante pour des modes d'accueil de la petite enfance, en vue d'une socialisation progressive.

Concernant cette socialisation, des dires et des écrits même des chinois, l'individualisme est grandissant au fur et à mesure que la Chine s'ouvre sur le monde et sur les modes de vie occidentaux. D'après eux, le poids de la « morale » traditionnelle tend à s'amenuiser avec la montée de la valeur accordée à l'argent...

Concernant les ruraux, c'est généralement les grands-parents qui élèvent l'enfant durant les trois premières années de sa vie. Si les parents ont commencé leur vie professionnelle par un emploi en ville, ils retournent généralement dans leur village d'origine pour se rapprocher de leurs propres parents à la naissance de leur enfant. Y compris dans les grandes villes, il est très fréquent de voir des petits enfants avec leurs grands-parents.

Même les structures francophones ou anglophones installées à Shanghai (très pionnières en matière d'accueil des jeunes enfants) n'accueillent les enfants qu'à partir de 18 mois.

Les enfants chinois sont très rapidement propres, de manière conditionnée car mis sur le pot avant même l'âge de un an. Dès lors, ils portent des pantalons fendus sur toute la longueur d'avant en arrière, laissant apparaitre leurs fesses et leur permettant de faire pipi n'importe où dans la rue (mais laissant voir leurs fesses en toutes occasions !)...

Les interactions entre adultes et petits enfants (en dehors de leurs propres enfants) sont différentes de la France. Pour entrer en communication, les adultes ne touchent pas les bébés, ne les prennent pas dans les bras ou ne les embrassent pas ; ils tapent dans leurs mains ou claquent de la langue et cela surprend un peu au début car cela ressemble plutôt chez nous à notre façon d'appeler... un chien !

Les lieux visités à Shanghai, leurs fonctionnements et leurs particularités

A Shanghai, le lycée français, qui dispense un cursus allant de la maternelle au lycée, est très éloigné du centre ville où vit la grande majorité de la communauté française ; un ramassage scolaire existe mais il faut environ une heure trente de bus pour s'y rendre chaque matin et revenir en fin de journée. De plus, il s'agit d'une « enclave » française, pilotée par l'Éducation nationale, sans aucun lien avec le système chinois, ce qui n'est pas attractif pour certaines familles d'expatriés qui souhaitent s'ouvrir et s'imprégner de la culture chinoise et aux familles mixtes qui souhaitent conserver les deux aspects, français et chinois, dans l'éducation de leurs enfants.

A noter que, pour ces dernières familles, c'est, dans la quasi totalité des cas, le passeport du père qui donne accès aux sections françaises des écoles chinoises mais que l'éducation est fortement portée par la mère, chinoise, ce qui donne lieu à d'importants décalages de points de vue entre mères et écoles...

Les établissements visités sont le résultats d'initiatives parentales, regroupés en association ou en structure privée. Elles sont installés à l'intérieur d'écoles chinoises et donnent lieu à une sorte de partenariat. Un intéressant travail de collaboration est mis en place pour trouver des compromis permettant à chaque culture et chaque vision éducative de trouver sa place... Dans les sections françaises de ces structures, le bilinguisme est organisé en « crèche » et « maternelle » (français le matin et chinois l'après-midi ou une semaine français / une semaine chinois). En « élémentaire » l'enseignement est principalement fait en français, seuls certains cours étant assurés en chinois, auquel il faut rajouter un enseignement de quelques heures en anglais.

Le coût

La scolarisation d'un enfant au sein d'une section française d'une école chinoise coûte près de 600€ par mois (sur 12 mois) - scolarité, uniforme et restauration compris.

A noter que la Chine a promulgué une loi pour l'instauration d'une école publique et gratuite pour tous les enfants mais que beaucoup d'enfants fréquentent des écoles privées dont les coûts sont très élevés.

Les normes

Peu de normes officielles existent concernant l'accueil des jeunes enfants, ni en termes d'aménagement des locaux, des espaces extérieurs, des déplacement dans les véhicules... Cependant, les 5 lieux visités (2 hors écoles chinoises et 3 installés dans des écoles chinoises) étaient tout à fait accueillants et sécurisants.

Dans la plupart des structures, les repas préparés sur place dans une cuisine, sont apportés aux enfants et pris dans les classes.

La pédagogie

Les méthodes d'enseignement chinoises sont beaucoup plus dirigistes que les méthodes occidentales. Les élèves apprennent « par cœur », répètent inlassablement les mêmes notions et les mêmes procédures. D'après les enseignants français rencontrés, cela peut tenir, à la base, à leur système d'écriture qui nécessite une standardisation de l'apprentissage pour arriver à retenir les idéogrammes (il en existe 60 000 différents mais, en moyenne, les lettrés en connaissent 20 000 et un chinois « moyen » environ 3 000, ce qui permet de lire un journal).

D'après les chinois rencontrés, qui ont un peu voyagé, et les expatriés ayant des responsabilités d'encadrement de personnel, cela forge des individus très travailleurs, imbattables sur les concours mais... sans aucune créativité et imagination. Les entreprises chinoises seraient excellentes dans la production mais auraient beaucoup de mal à résoudre les problèmes ou à inventer de nouveaux concepts et produits. Les élèves chinois finissent pourtant premiers et très au dessus de la moyenne internationale au test standardisé (pisa) organisé dans 65 pays en 2009 par l'OCDE et ce, dans les trois disciplines (pour rappel, la France est arrivée au 22ème rang en sciences et en lecture et au 27ème rang en mathématiques).

A noter que pour les petits enfants (3-6 ans), les enseignantes et les assistantes chinoises (équivalent de nos ATSEM) font beaucoup « à la place » des enfants et que l'autonomie n'est pas une notion développée dans les « preschools » ; les tâches des enfants sont toujours très « correctement » effectuées... mais toujours avec l'aide de l'adulte : elles leur tiennent la main pour dessiner ou écrire, pour manger, pour monter et descendre les escaliers, s'habiller...

A priori cet accompagnement « rapproché » persiste, pour les enfants qui restent dans le système scolaire, jusqu'à l'entrée à l'université qui constitue alors un palier « douloureux » pour ces enfants uniques, choyés par leurs parents et porteurs de tous les espoirs, puisque la règle en vigueur est encore majoritairement, même si elle a tendance à s'assouplir peu à peu, celle de la vie obligatoire sur le campus avec dortoirs bondés, équipements inadaptés, ambiance et organisation militaires...

Organisation de la journée à l'école élémentaire

Les leçons par matière (dès l'équivalent du CP) durent 35 minutes et sont séparées entre elles par des interclasses de 5 à 10 minutes pendant lesquelles les enfants vont aux toilettes, se baladent dans les couloirs, discutent... Ces moments remplacent les récréations, inexistantes (aucun temps de jeu libre).

La cour de l'établissement sert uniquement à la gymnastique quotidienne : tous les enfants de toutes classes exécutent en même temps des mouvements appris par cœur, en musique, de manière « assez »... militaire !

Cette gymnastique est appelée « réveil musculaire » et fait partie des habitudes mises en place très tôt et qui perdurent : on peut voir partout dans la rue, des adultes qui tapent dans leurs mains, marchent à reculons ou font des étirements à tous moments de la journée, des squares avec des équipements à « taille adulte » permettent aux passants de rester en forme. Et le week-end, les parcs sont remplis de personnes qui dansent, font des exercices avec des éventails, des drapeaux multicolores, du taï chi....

Par contre, pas de natation en Chine. La quasi totalité des chinois ne sait pas nager et, sur les plages, reste debout avec de l'eau jusqu'à la taille ou se risque à aller un peu plus loin mais... avec des bouées, enfants comme adultes !

Les enfants portent tous l'uniforme, propre à chaque école, adapté à la saison. Dans la grande école élémentaire chinoise visitée (1 500 élèves), le lundi dans la cour, un levé de drapeau est organisé devant tous les enseignants et les élèves et, parmi ces derniers, les plus méritants montent sur le podium...

D'après les plannings consultés, les volumes horaires et les alternances école-vacances pour le primaire semblent quasiment similaires à ceux de la France ; par contre, la répartition sur la semaine est légèrement différente : environ 8h-15h30, avec une pause plus courte sur le temps de repas, et pas de coupure le mercredi. Des activités périscolaires sont ensuite organisées dans les écoles (musique, kung-fu...)pour les enfants qui souhaitent rester dans l'établissement.

D'après les chinois rencontrés, les horaires deviennent bien plus importants à partir du « secondaire » en vue de la préparation du gaokao (notre baccalauréat) et de l'entrée à l'université, réputés très compliqués ; pour information, sur les 20,6 millions d'enfants nés en 1993, la moitié seulement se sont présentés au gaokao et, parmi ces derniers, moins d'un tiers ont été reçus...1

Les classes visitées ne diffèrent pas des classes françaises, en terme d'organisation spatiale. Dans les sections françaises, les effectifs sont plus confortables (20 enfants au maximum) que dans les classes chinoises (environ 40 enfants).

Les diplômes des encadrants

En Chine, il existe un diplôme pour l'éducation des plus jeunes enfants (3-6 ans) et un pour les plus grands (6-12 ans).

Dans les sections françaises visitées, les enfants sont encadrés par un binôme fait d'un professionnel français et d'un professionnel chinois (complété par une assistante chinoise pour les « grandes sections de crèche » et les maternelles). Concernant les français, il s'agit de professionnels de la petite enfance (puéricultrice ou éducateur de jeunes enfants) et d'enseignants, soit dans le cadre de disponibilité, soit dans le cadre officiel selon que l'école ait, ou non, passé un accord avec l'éducation nationale.

1« Champions du monde de l'éducation » in le Point du 24 novembre 2011, n° 2045



1 commentaire
  • Commentaire par Mariane
    01/02/2012 at 18:44
    J'ai vécu la Chine avec la même ouverture d'esprit, sans me laisser influencer par les fausses informations divulguées sur ce pays dans nos contrées occidentales. La Chine est réellement fascinante (quoiqu'il ne faille pas en oublier les côté sombres)et l'envie de s'y établir un temps est vraiment très forte. Est-ce une opportunité à faire vivre également à nos enfants ? Qu'en penses-tu ?
    Dans tous les cas, merci pour tes reportages et de nous avoir fait partager ce voyage, tes articles sont tous très intéressants.
    Le retour en France n'a-t-il pas été trop dur ?
    Amicalement,
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