Shanzhaï ! A la conquête d'Internet !

24 novembre 2011  | 2 commentaires

Catégories: Chine

iPad et un ShanzhaïLes Chinois n'ont pas une conscience très fine de la notion de propriété industrielle, de marque ou de copyright. A partir du moment où ils peuvent copier techniquement, ils ne voient pas en quoi ils devraient s'interdire de le faire. Rien d'étonnant d'ailleurs : savoir copier est même une grande qualité et c'est en imitant les plus grands qu'on devient grand soi-même.

Mais, les habitants de l'Empire du Milieu, malheureusement pour nous, font mieux que copier/coller : ils sont passés maîtres dans l'art du copier/améliorer ! Ensuite, l'innovation à la chinoise est incrémentale, c'est à dire provient de petits pas plutôt que de grandes avancées ou ruptures technologiques.

Résultat : L'Ipad et l'iPhone, entre autres, ont été copiés avec des versions plus performantes que les originaux !

Le Shanzaï est le mot qui décrit ce phénomène. L'origine du mot peut être trouvée dans sa ressemblance avec la ville de Shenzen qui est un haut lieu de production chinois. C'est là par exemple qu'ont été produites des millions de copies de téléphones mobiles. 

Mais le hardware n'est pas le seul domaine d'application des incroyables capacités d'imitation des chinois, le soft est aussi pour eux un formidable champ de bataille.

Pour se rendre compte du phénomène, voici une petite table de correspondance des sites web shanzhaïsés (n'hésitez pas à aller jeter un œil même si votre chinois est approximatif, vous verrez tout de même des airs de famille) :

Google Baïdu
Facebook ren-ren et surtout Qzone
Twitter Sina Weibo
Youtube Youku
Skype QQ
Amazon Alibaba
eBay Taobao (filiale d'alibaba)
Paypal Alipay

Là où ça fait mal, c'est que la Chine est un formidable terrain d'expérimentation : 500 millions d'internautes, le quart de la population mondiale, ça permet d'atteindre assez vite une certaine taille critique et de devenir plus important que le modèle d'origine.

La page d'accueil de Baïdu
Au final, est-ce le cas ? Eh bien oui, très souvent... Aussi bien en ce qui concerne le nombre d'abonnées que de la valorisation boursière, les chiffres sont souvent plus élevés du côté des imitateurs !

Quelques exemples :

  • Weibo compterait plus de 200 millions de membres, environ le même nombre que Twitter sauf qu'il a été créé deux ans après...
  • QQ compterait près de 700 millions d'utilisateurs, Qzone 500 millions, talonnant Facebook et ses 800 millions annoncés.
  • Tencent, la société qui possède Qzone, Weibo et QQ, excusez du peu, et dont le siège est à Shenzen (vous vous souvenez ? Shenzen->Shanzaï) est la troisième société Internet de la planète en terme de valorisation (près de 60 milliards de dollars), devancée seulement par Google et Amazon.
  • Taobao (et alibaba.com) contrôlent près de 80% du commerce en ligne chinois, qui représente presque 4% du commerce de détail chinois, faites le calcul !

On le voit, les chiffres sont impressionnants. Et mon petit doigt me dit d'ailleurs que les Chinois ne vont pas en rester là. Car après avoir saturé le marché domestique, il serait curieux qu'ils n'aient pas certaines velléités à l'international...

Quand je suis arrivé en Chine, j'ai d'abord pensé que j'arrivais dans la plus grande dictature du monde. Mais après réflexion, je ne suis pas loin de penser que, plutôt qu'une volonté politique d'étouffer l'information, l'interdiction en Chine des principaux sites sociaux et d'information (américains pour la plupart) relève plutôt d'une énorme volonté de mettre en place les armes de la guerre économique dans l'objectif simple de maîtriser le capitalisme cognitif.

Quelques liens utiles :
http://en.wikipedia.org/wiki/Online_communities_with_more_than_100_million_users
http://en.wikipedia.org/wiki/Shanzhai



2 commentaires
  • Commentaire par Mushu
    12/14/2011 at 09:22
    N'oublions quand même pas les dissidents enfermés depuis plusieurs années dans les geôles chinoises...
  • Commentaire par Anthony
    12/14/2011 at 16:29
    Je n'oublie pas, je n'oublie pas. Vous faites bien de le rappeler.
    Il est vrai que même si Mao n'est plus là, on n'est toujours pas au pays des bisounours pour tout ce qui touche à la politique...
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